L’ORIGAMI ENSEIGNÉ PAR JEAN-PIERRE BRUNET

Au lendemain de la disparition prématurée de Jean-Pierre Brunet, ces quelques lignes retraceront sa contribution originale à l’histoire de l’origami.

Selon une classification qui lui était propre, Jean-Pierre Brunet distinguait les arts « temporels », qui se manifestent dans le temps en imposant un rythme et un ordre de perception au public (musique, danse etc.), des arts « intemporels », dont les œuvres sont livrées entièrement en un instant à un public qui peut les explorer à son rythme, et dans l’ordre qui lui convient.

L’origami, dans cette perspective a le statut étrange d’un art qui semble présenter des objets immobiles, achevés, comme un art « intemporel », mais qui en réalité ne peut être vraiment perçu que dans le temps. Car l’origami est surtout une succession de beaux mouvements du papier, les plis, dont le résultat, un objet extrêmement fragile, n’est que la dernière étape. Comme la musique, l’origami n’existe qu’à travers l’interprétation maladroite ou habile des plieurs. Et faire plier l’objet le plus simple à un passant qui s’est arrêté devant notre exposition, surpris, amusé ou admiratif, c’est lui faire découvrir ce qu’il n’avait pu comprendre seulement avec les yeux : le pliage est un art « temporel ».

Chacun a rencontré l’origami dans son enfance, c’était le cas de Jean-Pierre, mais il faut une deuxième rencontre pour tomber sous le charme. Astrophysicien au CNRS, il avait pris part en 1986 à un projet de régate entre la Terre et la Lune au moyen d’une voile à propulsion photonique solaire. Un problème de pliage de la voile a permis la découverte du MFPP, et le début d’une longue histoire.

Jean-Pierre Brunet n’était pas un créateur mais un pédagogue ; il est l’auteur d’un cours structuré (non édité) qui progresse par « bases ». Il s’est continuellement intéressé à la conception des diagrammes et en redessinait souvent au fil de ses lectures, pour en améliorer la clarté et la précision. Fidèle à l’esprit de l’association loi 1901, à but non-lucratif, il ne se satisfaisait pas de plier entre spécialistes : il s’efforçait de faire connaître l’origami et tenait à rencontrer le grand public. Notre petite exposition itinérante n’était pour lui qu’une vitrine, le but du jeu était de faire plier les gens. Le Groupe de Toulouse, simple antenne régionale du MFPP s’est formé autour de ces valeurs et continue à les transmettre. La plupart de ses activités à la tête du Groupe de Toulouse ont fait l’objet d’articles parus dans Le Pli, depuis le début des années 90. On peut citer la grande exposition de mai 1990 à la MJC des Amidonniers à Toulouse, associée à un stage et à la parution d’un numéro de la revue documentaire BT2, (éditée dans le cadre de la pédagogie Freinet) consacré à l’origami ; les Rencontres de mai 1993 à Toulouse ; et enfin la participation durant dix années consécutives au Téléthon.

Bien connu pour son caractère souvent impertinent, Jean-Pierre Brunet était un homme d’une grande gentillesse, généreux et passionné. Il aimait rencontrer les autres et agir en équipe. Sans se prendre jamais au sérieux, il savait concevoir et réaliser des projets avec rigueur et méthode.

Musicien, amoureux de la mer et de la montagne, curieux du monde dans lequel il vivait, il a bu à de nombreuses sources. Il s’est éteint en paix, à 62 ans, le 8 avril 2001, entouré de sa compagne, de sa famille et de ses amis.

Pour les dix années à venir, Jean-Pierre préparait l’édition d’un solfège complet et critique de l’origami (à vocation internationale), ainsi qu’un florilège (par ordre alphabétique) pour lequel il avait constitué un répertoire informatisé de modèles de pliage, pendant deux ans, à partir de sa propre bibliothèque. Œuvres collectives, bien entendu, qui auraient été le prétexte de la fondation d’une académie. Avis aux amateurs, aurait-il conclu, et surtout, amusez-vous bien !

Viviane Berty
Groupe de Toulouse,
mai 2001.


OrigamisPage mise à jour le 20 mar. 01
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